Bien qu'il soit possible que Boeing décide de revenir à la charge avec une nouvelle plainte contre la C Series, le ciel américain devrait demeurer dégagé pendant un certain temps pour Bombardier, estiment des observateurs.

Ceux-ci se sont montrés peu surpris de la décision du géant américain de ne pas porter en appel la décision unanime rendue en janvier par les quatre commissaires de la Commission américaine du commerce international (USITC) en faveur de l'avionneur québécois.

« C'était une décision tellement tranchante que Boeing avait très peu de chances d'avoir gain de cause en appel », a estimé Mark Warner,  avocat spécialiste du commerce canado-américain de la firme Maaw Law, à Toronto.

La décision de la USITC avait invalidé les droits compensateurs et antidumping de 292 % visant la C Series et déterminés par le département américain du Commerce en décembre.

Dans sa plainte déposée au printemps dernier, Boeing alléguait avoir subi un préjudice en raison des subventions indues octroyées à son concurrent québécois qui lui ont permis d'offrir des prix jugés dérisoires à Delta Air Lines pour décrocher une commande 75 CS100 en 2016.

Un porte-parole de l'avionneur américain n'a pas voulu préciser les raisons derrière la décision de la multinationale de ne pas porter sa cause en appel.

« Je crois que c'est la fin, a tranché l'analyste Richard Aboulafia, de la firme américaine Teal Group, au cours d'un entretien téléphonique. J'ai toujours pensé que la logique allait l'emporter. »

Par courriel, un porte-parole de Bombardier, Simon Letendre, a souligné que la décision de Boeing de ne pas porter appel la décision de la USITC permettrait à l'avionneur québécois de « tourner la page sur cet épisode ».

« C'est une bonne nouvelle pour toute l'industrie aéronautique et le public voyageur », a-t-il fait valoir.

Le gouvernement Trudeau a abondé dans le même sens par l'entremise d'un communiqué.

Entre-temps, Boeing discute toujours d'un éventuel partenariat avec Embraer, ce qui pourrait permettre au géant américain de riposter à Airbus - l'actionnaire majoritaire de la C Series de Bombardier. Boeing mettrait la main sur la gamme d'appareils E-Jets d'Embraer, mieux outillée pour rivaliser avec la C Series dans le segment des avions de 100 à 150 places.

M. Aboulafia dit qu'il peut concevoir un scénario dans lequel Boeing déposerait une autre plainte visant la C Series après avoir réalisé une transaction avec Embraer, ajoutant qu'il s'agirait d'une autre décision « mal avisée ».

Pour sa part, M. Warner estime qu'il faut maintenant se tourner vers l'Organisation mondiale du commerce (OMC), où le Brésil a déposé une plainte contre le Canada en lui reprochant de subventionner son secteur aéronautique.

Washington a d'ailleurs demandé à intervenir dans ce dossier, disant avoir un intérêt commercial important.

« Ce processus est beaucoup plus long, mais Bombardier n'est pas encore sortie du bois, a-t-il dit. Il s'agit peut-être d'une façon pour Boeing d'obtenir quelque chose au bout du compte. »

Malgré les tensions provoquées par ce litige commercial, Boeing pourra soumissionner auprès du gouvernement Trudeau dans l'espoir de décrocher le contrat évalué à près de 15 milliards de dollars pour 88 avions de chasse visant à remplacer les CF-18 vieillissants de la flotte canadienne.

MM. Aboulafia et Warner ont dit croire que les traces laissées par la dispute entre Boeing et Bombardier devraient s'estomper rapidement.

« Le Canada est un important partenaire des États-Unis dans le secteur de la défense, a souligné l'avocat torontois. Je crois que les deux parties [Ottawa et Boeing] vont en arriver à un consensus. La plupart des relations militaires du Canada sont avec les États-Unis, pas l'Europe. »

Les quatre autres entreprises qui figurent sur la liste des fournisseurs sont Dassault Aviation, Airbus Defense, SAAB et Lockheed Martin. Boeing compte 2000 employés au Canada.